Quand les pères se sentent coupables

Carrière ou famille ? Les pères sont déchirés !

Pas facile d’être un jeune papa aujourd’hui ! Fini le rôle du simple pourvoyeur. En plus des heures au boulot, les pères sont de plus en plus engagés dans les tâches ménagères et auprès de leurs enfants, alors que les femmes sont massivement présentes sur le marché du travail. Résultat : les pères se sentent maintenant deux fois plus coupables que les mères de ne pas passer assez de temps avec leurs enfants. Une première ! 

C’est la conclusion d’une nouvelle et vaste enquête menée aux États-Unis et publiée par le Pew Research Center. On y apprend que 46 % des pères considèrent qu’ils ne sont pas assez présents auprès de leurs enfants, contre seulement 23 % des mères. Et ce, même si les pères passent trois fois plus de temps avec leur progéniture qu’en 1965. Selon l’étude, près de la moitié des pères comme des mères trouvent difficile et stressant de concilier le travail et la famille. 

Dans leur nouveau rôle, les pères peinent à joindre les deux bouts. Ils se retrouvent ainsi avec la même problématique qui a longtemps été propre aux femmes : devoir jongler entre les enfants, le boulot, le souper, l’épicerie, la vaisselle, la lessive, les bains et les autres tâches, non sans sacrifices sur le plan professionnel. 

Pour la toute première fois, en 2008, les hommes étaient plus nombreux (60 %) que les femmes (40 %) à ressentir un conflit entre le travail et la vie personnelle, selon une étude réalisée aux États-Unis par le Families and Work Institute. 

« La vie pour les papas est pas mal plus compliquée aujourd’hui pour les papas qu’avant », affirme le psychologue François St-Père. 

Pas de répit 

« Je suis toujours à la course. Quand je quitte le travail, je ne peux même pas marcher à un rythme normal et tranquille pour me rendre à ma voiture ! Il y a tellement de choses auxquelles penser. Je dis souvent que je me rends à mon deuxième job. De retour à la maison, de 5 à 8, c’est rock and roll », dit Nicolas Bélanger, 33 ans, ingénieur, chef de groupe chez Bombardier et fier papa de trois jeunes enfants de 6 ans, 4 ans et deux ans et demi. S’il travaille habituellement 40 heures par semaine, il s’est organisé pour avoir un horaire de 7 h à 16 h, afin de mieux concilier le tout. « J’aimerais offrir à mes enfants plus de temps libre et plus de temps à la maison. Ils font de grosses journées à la garderie », confesse-t-il.

Pourquoi les papas se sentent-ils coupables ?

Les pères ont un sentiment de culpabilité pour trois raisons, explique le psychologue François St-Père, lui-même père de trois enfants. « Premièrement, les attentes de la société envers les pères sont élevées. On s’attend à ce qu’ils travaillent, qu’ils s’occupent des enfants et qu’ils participent aux tâches ménagères. Deuxièmement, plus on passe du temps avec les enfants, plus on s’attache à eux et plus ils s’attachent à nous. Quand ce lien est créé, on se sent alors plus coupable de s’absenter. Et enfin, quand on passe beaucoup de temps avec les enfants, on se rend compte que c’est une charge de travail considérable. Réalisant cela, les pères se sentent mal de laisser les mères s’occuper de tout. »

Sacrifier la carrière 

En 2011, selon une étude américaine publiée dans la revue Fathering, 77 % des hommes ont affirmé qu’être un bon père est très important, alors que seulement 49 % ont dit la même chose au sujet de leur carrière.

De plus en plus de pères refusent d’ailleurs des promotions au travail et mettent un frein à leur carrière, constate François St-Père.

Travailler le week-end ou en soirée est aussi de moins en moins populaire pour cette nouvelle génération de pères. « Ils se rendent compte que ce type de carrière devient incompatible avec la vie de famille et la vie qu’ils veulent. » Car, règle générale, les pères sont heureux de passer du temps avec leurs enfants. « Beaucoup d’hommes se sentent plus complets ainsi », précise-t-il.

Guillaume Hamer, 34 ans, travaille en logistique. Il est le papa d’un garçon de 3 ans et d’une fillette de 20 mois. Au boulot, il a clairement fait connaître ses nouvelles priorités à son employeur. « J’ai précisé que je ne peux pas occuper un gros poste exigeant ou qui demande de faire des voyages », souligne-t-il. Et il n’a aucun regret. 

Pères séparés 

Quant aux pères séparés, ils prennent généralement leur rôle parental très au sérieux. « Chez les pères séparés, on voit une véritable réémergence du rôle paternel. Le père réorganise son horaire pour être très présent dans le quotidien de son enfant », note la psychologue clinicienne de famille Catherine Cloutier. C’est le cas de Frédéric Khalkhal, 39 ans, qui partage la garde de sa fille de trois ans et demi avec son ex-conjointe. Durant sa semaine de garde, il ne l’envoie pas à la garderie afin de passer des journées complètes avec elle et en profite pour faire toutes sortes d’activités. Étant travailleur autonome, il peut se permettre cette liberté, même si ça lui enlève de précieux jours de travail. « Les premières années de l’enfant sont tellement importantes, c’est primordial pour moi d’être très présent auprès de ma fille », dit-il.

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